Des analyses génétiques pour évaluer le taux d'hybridation
Pour asseoir scientifiquement leur action, les partenaires du projet se sont rapprochés du docteur Lionel Garnery, spécialiste de l'abeille noire. Grâce à l’apport financier du Parc national, ils décident de recourir aux techniques d’analyses génétiques qui permettent une approche plus fine que les analyses morphologiques. Deux marqueurs sont utilisés : l’ADN des mitochondries, qui permet de déterminer l’origine maternelle des colonies, et l’ADN du noyau des cellules, qui permet d’évaluer le niveau d’introgression (le transfert de gènes d’une sous-espèce vers une autre).
Une première étude a été conduite en 2016-2017 sur les 359 colonies recensées sur la commune des Belleville. Malheureusement, le niveau d’hybridation de cette population, que l’on pensait relativement épargnée du fait de son isolement, s’est révélé particulièrement haut (respectivement 38 et 36 % pour chacun des deux marqueurs). La comparaison des échantillons avec différentes populations de référence a confirmé que des échanges ont eu lieu avec des populations importées du nord de la méditerranée (Apis mellifera ligustica, Apis mellifera cecropia, Apis mellifera carnica) et avec une intensité telle qu’elles ont remplacé une partie de la population locale.
Bien que partielle, puisqu’une seule abeille par ruche a pu être analysée, cette étude a permis de caractériser la population sur le plan génétique et de sélectionner 51 ruches au profil génétique compatible avec un enjeu de préservation, avec un niveau d’hybridation inférieur à 20 %.
Rucher de Klébert Silvestre (à droite, apiculteur, membre du CETA), dans le conservatoire de l’abeille noire. Les Priots, vallée des Encombres, les Belleville
Constituer une base génétique aux Encombres pour diminuer l'hybridation
Le CETA de Savoie, gestionnaire du conservatoire de la vallée des Encombres, a finalement retenu les 29 ruches les moins hybridées qui, avec l’appui des apiculteurs locaux acquis à la cause, ont été déplacées en 2017 dans la zone conservatoire des Encombres pour permettre l’élevage de futures reines.
Une seconde phase d’analyses a été conduite en 2017-2018 sur les 29 colonies du conservatoire, en prélevant cette fois 24 abeilles par ruche. Cette étude souligne la pertinence du premier tri réalisé à l’issue de l’étude 2016-2017, puisque le niveau moyen d’hybridation est passé de 36 % à 24 %.
Ce travail a également permis de mesurer le niveau d’hybridation des reines et des mâles de chaque colonie et d’identifier ainsi les ruches à sélectionner pour le greffage de reines ou l’élevage de mâles. Les quelques colonies qui présentaient encore un niveau d’hybridation trop élevé ont quant à elles été retirées de la zone.
D’après les projections, ce second tri n’a toujours n’a pas permis de descendre en dessous du seuil de 20 % d’hybridation mais laisse dans la vallée des Encombres une base génétique qui permettra de le diminuer progressivement. Dès la génération suivante, on estime que le niveau d’hybridation des reines atteindra 12%, ce qui permettra de produire des mâles tout à fait compatibles avec un objectif de conservation. Le prochain défi consistera à rechercher de nouvelles colonies d’abeilles noires dans d’autres hautes vallées savoyardes, afin d’alimenter la zone conservatoire et éviter à moyen terme un effet de consanguinité.
L'abeille noire, symble de la commune des Belleville
Aujourd’hui, l’abeille noire est un véritable symbole pour la commune des Belleville qui a souhaité lui dédier un espace muséographique. Ce projet, qui fédère beaucoup d’acteurs, est déjà bien avancé. L’ouverture est prévue pour 2020 : l’occasion de sensibiliser le grand public à la préservation de cet élément méconnu de notre patrimoine naturel et culturel, symbole d’une apiculture extensive, en harmonie avec son environnement !