Partager

Inventaire des chauves-souris en Vanoise

L’amélioration des connaissances sur les chiroptères (ordre des chauve-souris) est l’une des missions prioritaires de la stratégie scientifique du Parc national de la Vanoise. Les populations de ces espèces sensibles sont en déclin et les 36 espèces de chauves-souris recensées en France sont toutes protégées par la loi au niveau national, voire international pour certaines. Les suivis organisés par l’établissement Parc visent à inventorier les espèces présentes ainsi que rechercher leurs gîtes de reproduction et d’hibernation.

Pour les inventaires, le Parc national de la Vanoise a mis en œuvre les protocoles AltiChiro1 et Vigie-Chiro basés sur l'amélioration des connaissances sur l'écologie et la répartition des chiroptères en montagne, et plus particulièrement en milieux ouverts d'altitude.

Vigie-Chiro, débuté en 2022, permettra un suivi de long terme sur la présence et l’abondance des espèces en périphérie du cœur du Parc national et permettra d’évaluer au niveau national l’évolution des effectifs des espèces. Il est aujourd’hui encore trop tôt pour disposer des résultats de ce protocole.

 

AltiChiro, un protocole d’étude fondé sur la détection acoustique

La technique acoustique repose sur l’identification des espèces de chauves-souris d’après leurs émissions ultrasonores, en utilisant des détecteurs-enregistreurs disposés pour un temps donné sur le terrain dans des biotopes2 appropriés.

Les séquences acoustiques sont ensuite traitées par un logiciel d’analyse automatique (Tadarida ou Sonochiro) permettant de les trier et d’identifier, pour certaines d’entre-elles, l’espèce avec un pourcentage affiché de fiabilité.

Il faut ensuite qu’un opérateur analyse à l’oreille une partie des enregistrements pour vérifier l’exactitude des identifications d’espèces.

L’analyse fine des enregistrements a aussi permis de préciser le type d’activité des individus : chasse, déplacement, cris sociaux…

Enfin, l'ensemble de ces données ont été analysées par espèce et/ou groupe et par type de milieux puis synthétisées pour chaque site selon :

  • La richesse spécifique et les cortèges3 d'espèces identifiées
  • L’activité des chauves-souris au cours des nuits d’enregistrement par type de milieux 

L’analyse de ces données a ainsi permis de décrire le type d'utilisation des milieux par les chiroptères et de préciser l'écologie des espèces sur les sites prospectés.

Les études menées en cœur du Parc national de la Vanoise ont porté sur 4 sites, munis chacun de 4 points d’écoute (placettes), dans 4 grands types de milieux, différents selon le site : bois, landes, éboulis, pelouse, lac, marais…

 

Différentes étapes

  • En 2020, les écoutes ont été réalisées sur la vallée du Ponthurin (Peisey-Nancroix) et la vallée des Avals (Courchevel).

  • En 2021, sur la Réserve Naturelle Nationale de la Grande Sassière (Tignes) et sur Plan du Lac (Val Cenis-Termignon). Pour des raisons météo défavorables, le premier passage sur le site de la RNN de la Grande Sassière a été reporté en 2022.

  • En 2022, sur le vallon du Col de la Vanoise (Pralognan-la-Vanoise) et le vallon du Fond d’Aussois.

 

2 passages ont été effectués sur chaque site en début et fin d’été :

1er passage en juillet pendant la mise bas et l’élevage des jeunes

2e passage en deuxième quinzaine d'août et septembre pendant la période de reproduction et de migration

 

1 : Protocole AltiChiro : étude par enregistrement acoustique durant une nuit (2 passages dans la saison), sur un panel de placettes choisies judicieusement selon le type de milieux et les habitats prioritaires.

https://altichiromontagne.wixsite.com/projet

2 : Biotope : en écologie, un biotope est un lieu de vie défini par des caractéristiques physiques et chimiques déterminées relativement uniformes qui héberge des espèces adaptées à ces critères.

3 : Cortège d’espèces : en écologie, on utilise fréquemment le terme cortège pour désigner un ensemble d'espèces ayant des caractéristiques écologiques ou biologiques communes.

Des résultats d’inventaire par site plutôt riches

  • Vallée des Avals (Courchevel)

    10 espèces ont été identifiées de manière certaine au cours des deux passages d'inventaire (voir liste ci-dessous). 5 autres espèces sont seulement de passage. De manière générale, certaines sonorités font pencher pour une présence certaine de la noctule de Leisler mais du fait des nombreux recouvrements acoustiques, il n'est pas possible d'écarter la présence de la sérotine bicolore sur le site.

 

  • Vallée du Ponthurin (Peisey-Nancroix)

10 espèces ont été identifiées de manière certaine au cours des deux passages d'inventaire (voir liste ci-dessous). Une espèce est aussi probablement présente sur le site, la sérotine bicolore, dont les séquences sonores pouvant se rattacher à celle-ci sont proches de celles de la noctule de Leisler, présente de façon certaine sur le site. Enfin, certaines séquences du groupe des oreillards sont parfois en recouvrement avec celles de l'oreillard roux (possible sur le site). De même, quelques rares séquences du groupe des pipistrelles sont en recouvrement avec la pipistrelle de Kuhl (possible sur le site).

 

  • Réserve Naturelle Nationale de la Grande Sassière (Tignes)

Seulement 3 espèces ont pu être identifiées de manière certaine au cours du protocole réalisé en 2021. Tous les individus ont été contactés sur la placette en zone humide, les autres placettes n'ont pas révélé de présence de chiroptères. Le passage prévu sur 2022 pourrait compléter cette liste.

 

  • Plan du lac (Val Cenis-Termignon) 

10 espèces ont été identifiées au cours des inventaires réalisés au cours des 2 passages en 2021 par détection ultrasonore dont 4 espèces sont probables. Le premier passage réalisé en juillet montre une très faible activité chiroptérologique globale, où deux des quatre placettes sont vides de toute observation ce qui n'a pas été le cas au second passage. Ceci est principalement dû aux très mauvaises conditions météorologiques du début d'été 2021.

Landes, lacs, marais et boisements : des milieux attractifs

Sites des Avals et du Ponthurin

les études montrent que les placettes les plus basses en altitude sont aussi les plus diversifiées en espèces ou les plus activement exploitées. Ces milieux, interfaces entre zones boisées et milieux ouverts d'altitude regroupent plusieurs associations d’espèces (de basse vallée et de montagne) et d’autres, de passage.

Les zones plus en amont sont ensuite réservées d'une part à des espèces à large spectre écologique qui étendent leur aire de répartition aux zones de montagne : pipistrelle commune, murin de Daubenton et d'autre part aux spécialistes des zones de montagne : la sérotine de Nilsson, l'oreillard montagnard, la noctule de Leisler. Parmi ces espèces, certaines sont réellement spécialistes de la chasse au niveau des lacs d'altitude et des vastes bas-marais telles que le murin de Daubenton, la sérotine de Nilsson et la noctule de Leisler.

Enfin le vespère de Savi, même en contexte alpin, garde son caractère rupestre avec une présence notable au niveau des zones rocheuses qu'il utilise parfois comme territoire de chasse.

De manière générale, chacun des habitats inventoriés sur les deux sites constitue un territoire de chasse plus ou moins opportuniste pour une ou plusieurs espèces de chauves-souris.

Les landes du Varchet sur la vallée du Ponthurin (dont la présence de la pipistrelle Pygmée y est remarquable) se caractérisent par une forte attractivité et probablement aussi les boisements clairs de la vallée des Avals qui constituent des territoires de chasse majeurs en fin d'été pour des espèces montagnardes.

De plus, les boisements de la vallée des Avals sont potentiellement des sites de regroupement automnaux pour la reproduction pouvant concerner la noctule de Leisler principalement et où la présence de la sérotine bicolore ne peut être écartée à ce stade.

Enfin, sur ces deux sites ce sont les lacs et les vastes bas-marais qui apparaissent comme les milieux les plus attractifs pour le cortège d'espèces présent en altitude. Ceci corrobore les résultats obtenus lors d’un inventaire réalisé en 2019 dans la commune des Belleville, sur la station des Menuires.

 

Site de la Sassière

Seule la zone humide présente en amont du lac du même nom, a été parcourue par les chiroptères. Et ce malgré des températures assez basses. Cette observation confirme que bien que la diminution des températures puisse réduire l'activité chiroptérologique globale, ce n'est pas nécessairement le paramètre limitant à la présence de chiroptères en altitude. Le cortège d'espèces observé est typique des milieux ouverts d'altitude : sérotine de Nilsson, pipistrelle commune, oreillard. Il est probable qu'au cours de la saison d’estive, ce cortège soit plus complet et représentatif de ce type de milieux.

Cet unique passage d'inventaire confirme aussi une fois de plus la forte attractivité des zones humides (tourbières et marais principalement) au même titre que les lacs et autres zones avec présence d'eau stagnante. Ces milieux sont très informatifs pour renseigner sur la diversité d'espèces présentes sur un site en zone d'altitude.

 

Site de Plan du Lac

Le second passage met en évidence une activité chiroptérologique et une richesse spécifique assez élevée. En effet, 6 espèces, plus 4 probables, ont été identifiées sur les 3 placettes inventoriées (dysfonctionnement sur la 4e).

Les observations réalisées au niveau du lac et de la zone d'éboulis sont assez typiques de ce type de milieux : territoire de chasse pour un cortège d'espèces montagnardes au niveau du lac et zone de déplacement occasionnel au niveau de l'éboulis. En outre, la zone de pelouse montre une activité élevée pour un grand nombre d'espèces utilisant le site comme territoire de chasse majeur. Cette très forte activité sur ce secteur est pour le moment difficile à expliquer, zone humide à proximité ? Influence du Doron de Termignon ? Conditions microclimatiques particulières favorisant l'émergence d'insectes en grand nombre ? Présence de gîte à proximité ? Des investigations complémentaires seront nécessaires pour mieux comprendre.

 

Pour en savoir plus ci-dessous les rapports d'études complets

 

Liste des espèces (présence certaine) :

  • Vallée des Avals : pipistrelle commune, noctule de Leisler, sérotine de Nilsson, murin de Daubenton, murin à moustaches, vespère de Savi, molosse de Cestoni, pipistrelle de Nathusius, murin indéterminé, oreillard indéterminé

 

  • Vallée du Ponthurin : pipistrelle commune, oreillard montagnard, noctule de Leisler, sérotine de Nilsson, murin de Daubenton, vespère de Savi, murin groupe Natterer, murin à moustaches, grand murin, pipistrelle pygmée

 

  • RNN Sassière : pipistrelle commune, sérotine de Nilsson, oreillard indéterminé

 

  • Plan du lac : pipistrelle commune, sérotine de Nilsson, oreillard indéterminé, murin de Daubenton, murin cryptique, vespère de Savi