Partager

Évolution du glacier de Gébroulaz : sensible reprise de la décrue en 2021

Milieu naturel

Après le répit de 2020, le recul du glacier se poursuit

Dans le cœur du Parc national de la Vanoise, le glacier de Gébroulaz est étudié depuis plus d'un siècle. Comme la plupart des glaciers de la planète il est en phase de régression. Après une année 2020 presque stable, la décrue a repris et le bilan a été à nouveau très négatif en 2021. C'est ce que constate l’IGE (Institut des géosciences de l’environnement, CNRS-UGA, Grenoble), qui suit et étudie depuis de nombreuses années le glacier de Gébroulaz avec l’appui du Parc national de la Vanoise.

Le glacier de Gébroulaz est situé dans la partie sud-ouest du cœur du Parc national de la Vanoise, sur la commune des Allues, et s'étend de 3500 à 2600 mètres d'altitude sur le flanc nord de l'aiguille de Polset. 

Selon Christian Vincent, glaciologue qui ausculte chaque année ce glacier, deux périodes de fortes décroissances caractérisent le 20e siècle et le début du 21e siècle, entrecoupées d'une période d'avancée glaciaire

  • 1942-1953 : période caractérisée par une forte décrue glaciaire qui est la conséquence d’hivers peu enneigés et d’une importante fusion estivale ; 
  • 1954-1981 : période d'avancée de la plupart des glaciers alpins, clairement liée aux faibles valeurs d’ablation estivale ; 
  • Depuis 1982 : à nouveau une forte décrue glaciaire avec cette fois une augmentation significative de la fusion estivale alors que l’accumulation hivernale reste assez stable.
schema.jpg

Le suivi du glacier de Gébroulaz par l’IGE a été mené en 2021 grâce à trois campagnes de terrain entre juin et octobre :

  • Le 10 juin, pour les mesures de bilans hivernaux sur tout le glacier. En zone d'accumulation il s'agit de carottages permettant d'obtenir les hauteurs de neige hivernale. Ces hauteurs de neige sont ensuite converties en hauteurs d’eau. En zone d’ablation, les hauteurs de neige sont estimées par sondage puis sont également converties en hauteurs d'eau. 
  • Le 6 septembre, relevé de l’émergence du réseau de balises des zones d’accumulation et d’ablation. Parallèlement des mesures topographiques sont effectuées : vitesses du glacier (grâce aux déplacements mesurés des balises). 
  • Le 18 octobre 2021, dernière mesure des émergences des balises à la fin de la saison hydrologique, afin de déterminer les bilans de masse annuels en fin de saison d’ablation en chaque point du glacier. Cumulant les valeurs d’accumulation mesurées au printemps aux bilans annuels, on peut déduire, en tout point, la fonte estivale sur le glacier. Ces émergences ont été relevées dans toute la zone d’ablation du glacier et également en zone d’accumulation.

 

Bilan hivernal

En zone d’accumulation, l’année hydrologique 2020-21 se caractérise ainsi par un stock de neige hivernal très important (2e année la plus excédentaire depuis 1994). Et en zone d’ablation vers 2800 m, l’accumulation hivernale est de +1.35 m d’eau, qui est l’une des valeurs les plus élevées de l’accumulation hivernale (après 1995 et 1999) relevées dans cette région du glacier depuis 1995 (moyenne de + 1,05 m d’eau dans cette région). 

Bilan estival

En zone d’accumulation, le bilan estival de 2021 est égal à -1.35 m d’eau, comparé à la moyenne de la période 1995-2021 qui est de -0.76 m d’eau. La fonte estivale a donc été importante. Le bilan hivernal ayant été très largement excédentaire, le bilan annuel dans cette zone du glacier est positif (+0.80 m d’eau), un peu supérieur à la moyenne des 26 dernières années (+0.75 m d’eau). 
Dans la zone d’ablation vers 2800 m, le bilan estival est égal à -3,64 m d’eau, valeur très négative en comparaison de la moyenne de la période 1995-2021 (-3.00 m d’eau). Le bilan annuel dans cette région du glacier est de -2,29 m d’eau, bien négatif par rapport à la moyenne dans cette région (-1.94 m d’eau) mais malgré tout moins négatif que les années les plus déficitaires 2009 et 2015 pour lesquelles le bilan de surface annuel à cette altitude était de -3,1 et -3,2 m respectivement. 

Conclusion

Sans surprise, le bilan de masse de l’année 2020-21 est bien négatif, égal à -1,00 m d’eau, malgré des accumulations de neige hivernales soutenues. Ce bilan annuel négatif s’explique par une fonte estivale très élevée qui atteint des niveaux pas très éloignés des fontes estivales records de 2003, 2009 ou 2015. Le bilan annuel total du glacier est donc plus négatif que le bilan annuel moyen sur la période 1994-2021, qui est de -0.71 m d’eau. Depuis 1907, le glacier a perdu une lame d’eau de 34.0 m (soit 30.6 m de glace en moyenne sur toute sa surface) et 18.8 m d’eau depuis 1998.

bilansdemasse2.jpg

Les observations du glacier de Gébroulaz sont essentielles dans le cadre des recherches sur les relations glaciers-climat et ce glacier fait partie d’un service d’observation national Glacioclim, reconnu par l’Institut national des sciences de l’univers (du CNRS) et le ministère de la Recherche. Il concentre l’une des plus longues séries d’observations dans les Alpes. Le glacier de Gébroulaz est également intégré dans la base de données internationale du WGMS (World glacier monitoring service de l’UNESCO) ainsi que dans le réseau Cryonet, programme du Global cryosphere watch (Organisation météorologique mondiale). Il fait partie aussi de la base de données de l’ONERC (Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique). 

Pour aller plus loin

Glacier de Gébroulaz 2021 - Rapport annuel pour le Parc national de la Vanoise
(Institut des géosciences de l’environnement, CNRS-UGA, Grenoble) 

Le glacier de Gébroulaz sous surveillance