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Évolution du glacier de Gébroulaz : 2022, année de tous les records

Milieu naturel

Chauds les glaciers !

Dans le cœur du Parc national de la Vanoise, le glacier de Gébroulaz est étudié depuis plus d'un siècle. Comme la plupart des glaciers de la planète il est en phase de régression. D'année en année la décrue se poursuit et s'accélère avec un bilan très négatif en 2022, atteignant des records. C'est ce que constate l’IGE (Institut des géosciences de l’environnement, CNRS-UGA, Grenoble), qui suit et étudie depuis de nombreuses années le glacier de Gébroulaz avec l’appui du Parc national de la Vanoise.

Le glacier de Gébroulaz est situé dans la partie sud-ouest du cœur du Parc national de la Vanoise, sur la commune des Allues, et s'étend de 3500 à 2600 mètres d'altitude sur le flanc nord de l'aiguille de Polset. 

Selon Delphine Six et Christian Vincent, glaciologues qui auscultent chaque année ce glacier, deux périodes de fortes décroissances caractérisent le 20e siècle et le début du 21e siècle, entrecoupées d'une période d'avancée glaciaire

  • 1942-1953 : période caractérisée par une forte décrue glaciaire qui est la conséquence d’hivers peu enneigés et d’une importante fusion estivale ; 
  • 1954-1981 : période d'avancée de la plupart des glaciers alpins, clairement liée aux faibles valeurs d’ablation estivale ; 
  • Depuis 1982 : à nouveau une forte décrue glaciaire avec cette fois une augmentation significative de la fusion estivale alors que l’accumulation hivernale reste assez stable.
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Bilan hivernal

La valeur de l’accumulation hivernale est d’environ +1,3 m d’eau*, valeur légèrement inférieure à la moyenne des 27 dernières années, qui est de +1,52 m d’eau. En zone d’accumulation, l’année hydrologique 2021-2022 se caractérise ainsi par un stock de neige hivernal plutôt déficitaire.

En zone d’ablation vers 2800 m, l’accumulation hivernale est de +0.9 m d’eau, très légèrement inférieure également à la moyenne qui est de + 1,05 m d’eau dans cette région.

 

Bilan estival

En zone d’accumulation, le bilan estival de 2022 est égal à -2,25 m d’eau, comparé à la moyenne de la période 1995-2022 qui est de -0,82 m d’eau. La fonte estivale, y compris dans ces régions de très haute montagne a donc été extrêmement importante, la plus forte observée depuis le début des mesures dans cette zone d’accumulation en 1994. Jamais la fonte estivale en zone d’accumulation n’avait dépassé -1,5 m d’eau. Le bilan hivernal ayant été légèrement déficitaire également en zone d’accumulation, le bilan annuel 2022 dans cette zone du glacier, est très fortement négatif (-0,97 m d’eau). Cela signifie également que sur l’ensemble de la zone d’accumulation, toute la neige de l’hiver 2021-2022 a disparu, le glacier n’ayant donc pas pu reconstituer son stock de neige.

Dans la zone d’ablation vers 2800 m, le bilan estival est égal à -4,68 m d’eau, valeur, là encore, extrêmement négative, la plus négative de la période de mesure. La moyenne des bilans estivaux depuis 1994 est de -2,9 m d’eau. Associé à une accumulation également déficitaire, le bilan annuel dans cette région du glacier est de -3,78 m d’eau, valeur encore bien plus négative que les années les plus déficitaires 2009 et 2015 pour lesquelles le bilan de surface annuel à cette altitude était de - 3,0 et -3,1 m respectivement.

 

Bilan de masse annuel global du glacier

Le bilan de masse de l’année 2021-2022 est donc extrêmement négatif, de -2,55 m d’eau, lié à des accumulations plutôt faibles, et des bilans estivaux très déficitaires liés à un printemps précoce, un été chaud, long et sec. Des dépôts de poussières sahariennes au printemps peuvent également avoir favorisé la fonte rapide de la neige printanière.

Le bilan annuel total du glacier est donc beaucoup plus négatif que le bilan annuel moyen sur la période 1994-2022, qui est de -0,77 m d’eau. Jamais le bilan n’avait dépassé les -2 m d’eau, la valeur la plus négative en 2015 était de -1,88 m d’eau. Nous avons donc un bilan 30% plus négatif que l’année la plus négative. Le bilan 2022 est 3 fois plus déficitaire que la moyenne des 27 dernières années.

Les bilans de masse cumulés depuis 1907 indiquent une forte décrue depuis le milieu des années 80 avec une accélération de cette décrue depuis 2003. De 1995 à 2022, la moyenne des bilans est de -0,77 m d’eau/an ; depuis 2003, la perte moyenne s’accélère et s’élève à -1,04 m d’eau/an. Depuis 1907, le glacier a perdu une lame d’eau de 36.6 m, soit 40,7 m de glace en moyenne sur toute sa surface (voir le graphe ci-après). Bien sûr, les parties hautes du glacier perdent moins que les parties basses. Notons que sur les 35 dernières années (depuis le milieu des années 1980), les dix années les plus déficitaires se situent après 2003.

Depuis 1983 (maximum de la dernière avancée), le front a reculé de 240 m.

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Conclusion

Tout comme sur les autres glaciers suivis dans le cadre de Glacioclim (Mont-Blanc, Grandes Rousses et Écrins), l’année 2022 restera donc une année de tous les records. Au-delà de cet été très chaud, il est à noter que sur tous les glaciers suivis, aucune zone d’accumulation n’a subsisté à la fin de l’été, à l’exception des zones très hautes (> 3400 m sur le glacier d’Argentière).

 

* 10 mètres de neige équivalent à 1 mètre d'eau environ (ordre de grandeur approximatif car cela dépend de la structure et de la qualité de la neige).

Pour aller plus loin

Le glacier de Gébroulaz sous surveillance
Ici vous trouverez le rapport du suivi 2022 du glacier en intégralité ainsi que ceux des années précédentes et bien d'autres informations sur le glacier de Gébroulaz.